5 questions à Jean VOLFF,

nouveau président de la Commission Justice-Aumônerie des prisons de la Fédération Protestante de France (FPF)

 

 

Jean Volff, après votre carrière dans la magistrature, vous avez été notamment procureur général à Toulouse, vous voici président de la Commission Justice-Aumônerie des prisons de la FPF. Vous ne cachez pas votre engagement de chrétien.

Dans l'exercice de mon métier de magistrat, comme dans ma vie personnelle et familiale, je n'ai jamais caché mon engagement dans l'Eglise et mes convictions luthériennes.

En particulier j'ai toujours accepté les responsabilités qui m'ont été proposées par les Eglises et j'ai ainsi été membre du consistoire luthérien de Sarreguemines, vice-président du Directoire de l'ECAAL pendant 11 ans, conseiller presbytéral dans deux paroisses réformées du sud-ouest. Je me suis aussi spécialisé, à titre personnel,  dans le droit des religions et j'ai publié plusieurs articles et ouvrages sur ces questions.

Vous connaissez maintenant l’envers du décor. Quelles sont vos premières impressions ?  

Ma carrière au parquet m'a amené à inspecter de nombreux établissements pénitentiaires, dans différentes régions de France. Souvent j'ai rédigé et envoyé des rapports sur la situation des prisons, leur vétusté, leur surpopulation. J'ai eu le sentiment de labourer la mer.

Je connaissais donc l'envers du décor et aujourd'hui je ne suis pas surpris. Dans le prolongement de mes activités professionnelles, mais avec d'autres moyens et sous un angle d'approche différent, c'est le même combat qui continue.

Quels sont les projets, les priorités de la Commission JAP ?

Nous voulons reprendre un travail de réflexion sur les problèmes de fond, ceci au profit du conseil de la FPF et du service de l'aumônerie des prisons.

En cette année 2006 nous nous pencherons plus spécialement sur le problème du traitement de la délinquance des mineurs (avec en fond de tableau l'épineuse question d'une éventuelle réforme supplémentaire de l'ordonnance de 1945) … et d'autre part  sur la conception du ministère de l'aumônier des prisons et son rôle éventuel dans la réinsertion du détenu.

Les prisons sont pleines. Sur le terrain, les associations se mobilisent pour un numerus clausus.

Qu’en est-il de la commission JAP ?

La surpopulation des prisons françaises est une atteinte à la dignité humaine et un obstacle permanent à tous les efforts de réinsertion des détenus. La commission JAP est donc consciente du problème et entend protester contre une telle situation. Sur les moyens à préconiser, elle réserve encore sa décision.

En effet   si l'objectif est clair et partagé avec les associations actuellement mobilisées, je suis personnellement plus réservé sur la solution préconisée  par celles-ci : le numerus clausus.

La situation est complexe et met en jeu de très nombreux paramètres. Je ne crois pas qu'il soit possible d'y mettre fin par une proposition unique, simple et d'application immédiate du type : une place, un homme.

D'ailleurs cette règle s'applique déjà dans les centres de détention, avec des résultats paradoxaux, à savoir des cellules inoccupées et de longs temps d'attente en maisons d'arrêts de condamnés définitifs qui auraient vocation à les occuper. Ce n'est en réalité que dans les maisons d'arrêt que se pose le problème de la surpopulation. Mais ce sont des établissements destinés en principe à des séjours de courte durée et où il y a une rotation rapide des détenus entrant et sortant.

C'est, à mon sens, tout un éventail de mesures qu'il faut envisager, à commencer par un renoncement à une pénalisation excessive de notre société, la mise à disposition de moyens suffisants pour que les peines alternatives à l'incarcération soient effectives, l'abandon de la judiciarisation de la police des étrangers, une réforme du traitement des délinquants et criminels atteints de troubles mentaux, la construction de prisons modernes à taille humaine etc. ...

Qu’attendez-vous des aumôniers ? Des Eglises locales ? De la Fédération protestante ?

L'aumônier de prison exerce un véritable ministère de l'Eglise, dans un milieu particulier (la prison) et auprès des exclus de la société (les détenus), mais aussi du personnel de l'administration pénitentiaire qui vit également dans ces prisons et travaille dans des conditions particulièrement difficiles et démoralisantes.

J'attends des aumôniers une vocation éprouvée, une grande disponibilité et un souci permanent de formation.

J'attends aussi des Eglises qu'elles épaulent les aumôniers sur le terrain, qu'elles encouragent leurs fidèles à s'investir dans ce service et qu'elles contribuent à l'évolution des mentalités en ce domaine.

Enfin, si notre travail nous permet d'aboutir à des conclusions claires, solides, réalistes et argumentées, j'espère que le conseil de la FPF aura à coeur de les faire cheminer dans les media et les instances administratives et politiques susceptibles de les mettre en application.

 

 

Propos recueillis par Myriam Delarbre

Bulletin d’information protestant 15 février 2006

 

 

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·          Sur le site de la Fédération Protestante de France

·         Le rapport du commissaire aux droits de l’homme Gil-Robles est publié sur le site du Conseil de l’Europe, pour l'obtenir cliquer ici.