Le psaume 139

 

  

Les  fiches bibliques listées ci-dessous renferment des ressources bibliques concernant principalement le psaume  139

psaume  139
Seigneur, tu me connais parfaitement
psaume  139,7
mais, où est Dieu ?

 

 

 

 

 

 

Seigneur, tu me connais parfaitement 




 

L’expérience de l’auteur du Psaume 139 qui dit à Dieu :
« Seigneur, tu me connais parfaitement »

 

 

Seigneur tu me connais parfaitement

Seigneur, tu regardes jusqu’au fond
de mon cœur et tu me connais.
Tu sais quand je m’asseois et quand je me lève,
longtemps à l’avance, tu sais ce que je pense.
Tu sais quand je marche et quand je me couche,
et tu connais toutes mes actions.
Je n’ai pas encore ouvert ma bouche,
tu sais déjà tout ce que je vais dire !
Tu es derrière moi, tu es aussi devant moi,
tu poses ta main sur moi.
Tu me connais parfaitement.
Pour moi c’est trop beau,
cela dépasse tout ce que je peux comprendre.

C’est toi qui a créé ma conscience,
c’est toi qui m’a tissé dans le ventre de ma mère.
Oui, mon corps est étonnant et très beau.
Ce que tu fais est magnifique, je le reconnais.
Quand tu me formais dans le secret,
quand tu me brodais dans le ventre de la terre,
tu voyais tout, rien n’était caché pour toi.
J’étais à peine formé, tu me voyais déjà !
Déjà tu avais écrit dans ton livre
le nombre de jour que tu allais me donner,
et pourtant, aucun n’avait encore commencé !

Ô Dieu, regarde au fond de mon cœur
et connais moi,
examine mes pensées et vois mes soucis.
Regarde si je suis sur un chemin dangereux,
et conduis-moi sur ton chemin,
ce chemin qui est sûr pour toujours.

Extraits du Psaume 139



 

 

L’expérience de l’auteur du Psaume 139 qui dit à Dieu :
« Seigneur, tu me connais parfaitement »

 





Mais, où est Dieu ?

O

Mais, où est Dieu ?

O

 

Prière

Psaume 139, 7

 

Où irais-je loin de ton esprit ?
Où fuirais-je loin de ta face ?
Si je monte aux cieux tu y es !
Si je me couche au séjour des morts,
t’y voilà !

 

Dessin d’Annie Valloton :
le buisson ardent



Dieu n’est pas là : pourquoi ?

Comment le vivons-nous ?

Dieu au Ciel ?

 

Dieu dans la nature ?

 

Dieu dans les lieux
sacrés ?

 

Un Dieu inattendu :
Dieu en nous

 

 

 

 

 

 

Article extrait du numéro 261
du journal « Evangile & Liberté »
Août – Septembre 2012

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Où est Dieu?

Quand on pose cette question, on ne peut s'empêcher de penser à l'interrogation des ennemis du psalmiste exilé, probablement à Babylone, se moquant de lui et le raillant en disant « Où est ton Dieu? » (Ps 42,4 et 11) ! Ce qui revient en fait à lui dire « Que fait-il donc ? », comme traduit d'ailleurs La Bible en français courant en n'hésitant pas à s'éloigner ainsi de la traduction littérale du texte hébraïque.

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Dieu n'est pas là

Oui, que fait Dieu, où est-il ? Telle peut être la question, terriblement angoissée, voire désespérée, de celles et ceux pour lesquels le Ciel est vide et Dieu est un Dieu absent. Qu'il s'agisse des victimes de la guerre, de l'injustice, de la faim dans le monde, de cataclysmes naturels épouvantables, d'un deuil ressenti comme injuste et cruel. .. « Où est Dieu, que fait-il ? » Ce sont aussi là les mots, le soupir, de tant de malades souffrant dans la solitude et le silence d'un hôpital. Et cette question n'a-t-elle pas été la nôtre un jour, dans un moment très douloureux de notre vie ? Nous l'avons posée en allant jusqu'à nous demander « Dieu existe-t-i1 vraiment ? ». Nous avons peut-être même repris à notre compte le cri de Jésus sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Mc 15.34). Ce cri n'est pas véritablement celui du désespoir, puisqu'il s'adresse encore à Dieu, mais il est pour Jésus, comme pour nous, celui d'une authentique détresse humaine. Dans les camps de la mort, que de fois cette plainte n'est-elle pas montée sur les lèvres des victimes de l'horreur : « Où est Dieu ? » ! C'est un alexandrin d'Alfred de Vigny qui évoque alors, à Gethsémané, ce silence absolu répondant seul à l'appel de Jésus adressé à son Père : « Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas. » (« Le Mont des Oliviers », Les destinées) Qui peut encore dire « Dieu », tout simplement comme si de rien n'était après Auschwitz et Buchenwald ? La romancière anglaise Virginia Woolf (1882-1941) écrit ces mots ironiques : « Il y a quelque chose d'indécent chez celui qui, assis près du feu, croit en Dieu ».

Où est Dieu ? Il est dans nos appels, notre quête et notre recherche, dans nos cris de révolte, nos anathèmes, nos doutes, nos blasphèmes, notre athéisme même. Je pense au titre d'un admirable petit livre d'une cinquantaine de pages du pasteur Roland de Pury, qui fut résistant et emprisonné, Job ou l'homme révolté (Labor et Fides, 1955). Après avoir affirmé que Dieu atteste la vérité des protestations, des plaintes et de la révolte de Job, Roland de Pury écrit: « Quand on se rappelle l'extraordinaire violence des cris de Job et son réquisitoire brandissant impitoyablement tous les arguments de l'athéisme, face aux paroles si souvent édifiantes, si profondément religieuses, si propres à justifier Dieu, de ses amis, on ne peut s'empêcher alors de penser que Dieu est plus souvent du côté de ceux qui l'attaquent que du côté de ceux qui le défendent, et qu'il est certainement des athées plus proches de la vérité chrétienne que bon nombre d'apologètes chrétiens. Qu'il est des révoltés que Dieu préfère aux gens soumis de ses Églises, et des malheureux criant dans leur angoisse et dans leur nudité qui témoignent de lui plus valablement que les avocats trop sûrs de leur affaire. »

On pourrait écrire un autre livre intitulé Jésus ou l'homme révolté. On pourrait même écrire un très gros livre intitulé Dieu ou le Dieu révolté. Il s'agirait là de ce Dieu qui, en Jésus, lutte à nos côtés dans une révolte, non pas négative ou nihiliste, mais positive, constructive et créatrice, pour faire triompher la vie sans cesse contrariée par des puissances mortifères, celles de la maladie, du mal, de la souffrance, des injustices, de la mort. Ce Dieu des évangiles n'est assurément pas le Dieu « tout puissant » de nos phantasmes. Je me rappelle Théodore Monod qui aimait à citer.son père, le pasteur Wilfred Monod déclarant « Dieu ne nous protège pas de la foudre, mais il est avec nous quand nous sommes foudroyés, accablés ». La foi, comme l'écrivit souvent W. Monod, est un quand même. Dieu lui-même est un quand même, comme le disait le titre de son dernier livre paru juste après sa mort : Quand même! Le vrai nom de la divinité chrétienne (Éditons Jeheber, 1943).

Le théologien catholique contemporain Maurice Bellet, dont les ouvrages sont marqués par une belle et intense dimension poétique, a écrit : « Le seul Dieu que nous pouvons supporter désormais, ce n'est pas le Dieu des hauteurs, c'est le Dieu qui est avec nous dans les ténèbres. Si Dieu est, il est en l'homme ce point de lumière que rien n'a puissance de détruire. » Je ne suis pas venu apporter la paix ... Essai sur la violence absolue, Albin Michel, 2009).

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Dieu est au Ciel

Où est Dieu ? Plusieurs réponses ont été apportées à cette question. Il me semble possible d'en retenir quelques-unes, tout à fait classiques. L’une d'elles affirme que Dieu est au Ciel. La prière que nous a léguée Jésus et transmise la tradition commence par cette invocation bien connue: « Notre Père qui es aux Cieux ». Bien sûr, il s'agit aujourd'hui de démythiser une telle expression ; nous n'allons plus chercher Dieu au delà des nuages. Une lecture rationnelle d'une telle affirmation s'impose, en toute honnêteté intellectuelle. Cela dit, il est possible de faire à ce sujet trois remarques qui dépassent ce simple constat et cette évidence.

Premièrement, dire de Dieu qu'il est au Ciel, pour Jésus comme pour les chrétiens et cela pendant des siècles, même acquis au caractère approximatif et relatif des mots humains, ne correspondait pas à une image et à une manière poétique de dire les choses. Il s'agissait là d'une vision de la réalité postulant très concrètement alors un univers à trois étages : la terre, un Ciel où résidait Dieu avec sa cour céleste au-dessus de nos têtes, par-delà les nues, et les « enfers » au plus profond de la terre. La vision du monde (Weltanshauung) de l'homme biblique n'a, le plus souvent, plus rien à voir avec la nôtre, même si nous pouvons reconnaître que notre manière de nous exprimer aujourd'hui sera, très probablement, elle aussi, dépassée un jour.

Il y a là en fait un enseignement important : nous devrions, nous aussi, accorder notre manière de dire Dieu, comme l'ont fait ces lointains devanciers, avec la conception du monde actuelle telle que nous pouvons la déchiffrer dans l'horizon philosophique et scientifique du monde contemporain. C'est à ce prix que nous pourrons dire un Dieu, non pas démontrable, mais crédible. C'est là une tâche à la fois exigeante, inventive et merveilleusement stimulante.

D'autre part, cette façon de dire un Dieu «  au Ciel » a une signification profonde qui dépasse une simple localisation. On entre là dans l'ordre du sens ; on s'inscrit dans celui, positif et interprétatif, de la démythologisation, en allemand Entmytologisierung, selon le vocabulaire du théologien protestant Rudolf Bultmann (1884-1976). Il s'agit ainsi de dépasser l'étape, nécessaire mais insuffisante, de la démythisation. La démythologisation ne va pas, par conséquent, rayer ce « au Ciel » et d'autres passages bibliques sous prétexte qu'ils sont en contradiction avec ce que la science actuelle nous apprend de l'univers. On ne saurait assurément rendre notre foi solidaire du moule, des contextes et des conceptions culturelles, dans lesquels elle a été coulée. Ce moule n'a en effet et en tant que tel rien de spécifiquement évangélique et chrétien.

Dans une telle perspective, la démythologisation n'est pas d'abord, ni surtout, ni essentiellement, une exigence dé la modernité ; mais bien une requête de la foi elle-même. On cherchera en effet non seulement à traduire ces données obsolètes et à les exprimer, tant que faire se peut, dans nos représentations modernes, mais à considérer leur signification dans l'ordre de la foi : il ne s'agit pas -et c'est vrai pour tout texte biblique- de ne voir que ce que ce texte dit, mais bien aussi et surtout ce qu'il veut dire et nous dire. Affirmer que Dieu est au Ciel, c'est en réalité reconnaître que l'on ne peut pas atteindre Dieu par nous-mêmes, qu'il nous dépasse infiniment, que nous ne pouvons pas l'enfermer dans des mots, des définitions, des doctrines, aussi belles et profondes seraient-elles : Dieu est la Transcendance. Cela est vrai hier comme aujourd'hui, quelle que soit notre manière de vouloir dire Dieu et chercher où il est.

Enfin, l'invocation « Notre Père qui es aux Cieux » a quelque chose de magnifiquement paradoxal, voire contradictoire. On y dit, d'une part, que Dieu est lointain et inaccessible, au Ciel, et, d'autre part, qu'il est proche de nous, « notre Père ». Cette tension dynamique, avec ces deux affirmations opposées, ressemble à deux pierres que l'on frotte l'une contre l'autre pour en faire jaillir des étincelles, le feu et la lumière.

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Dieu est dans la nature

Dire que Dieu réside dans la nature correspond à un panthéisme, plus ou moins radical, selon lequel Dieu est largement identifié au monde et présent partout en lui. Ce panthéisme est très divers et aux multiples facettes qu'il s'agisse de celui des stoïciens, de Plotin (v. 203-v. 270), de Spinoza (1632-1677) ou de Hegel (1770-1831), par exemple et pour ne citer qu'eux.

Certes, pour beaucoup, la beauté de la nature et de certains de ses paysages incline ceux qui les contemplent à y voir comme un reflet de la gloire divine et de l'amour du Dieu créateur. Cela pourtant ne devrait pas conduire à une sorte d'adoration et à un culte de la nature. Cette dernière en effet est marquée par la loi de la jungle, à savoir, la loi du plus fort. La nature, d'autre part, met autant d'ingéniosité à susciter la vie qu'à la détruire. La vie s'y nourrit de la mort des autres, qu'il s'agisse de celle des animaux, ou tout aussi prodigieuse, des végétaux.

Le pasteur Wilfred Monod (1867-1943), obsédé par cette vérité cruelle, disait que le lion est finalement de la gazelle digérée, que la nature est un immense tube digestif. Il montrait très souvent cette tragique et universelle réalité dans ses prédications, allant jusqu'à évoquer ces entremangements sanglants au fond même des océans. Une telle réalité ne nous fait-elle pas douter d'une certaine image du Dieu créateur ? Le Dieu d'amour a-t-il véritablement voulu une telle machine infernale, cette mécanique impitoyable avec laquelle la vie humaine et animale offerte à nos yeux semble ne pas pouvoir exister sans une tuerie implacable ?

La question que je pose ici peut paraître provocatrice, voire blasphématoire, penseront peut-être certains. Je suis heureusement en bonne compagnie. Albert Schweitzer (1865-1975) écrit dans un texte remontant à 1922 : « Nous regardons en face la terrible énigme que le monde représente pour nous et nous luttons pour ne point douter de Dieu. Nous osons avouer que les forces agissant dans le monde sont à bien des égards fort différentes de ce que nous attendrions de la part d'un Créateur bon et parfait. [...] La religion n'est pas la connaissance du divin révélé par l'observation de la nature. [... ] L’énigme de la religion, c'est que le Dieu que nous ressentons en nous-mêmes est différent du Dieu révélé par la nature. » (Les religions mondiales et le christianisme, Van Dieren Éditeur, 2000) La nature ne saurait être divinisée.

Cela dit, « le dynamisme créateur de Dieu » (voir à ce sujet: André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu. Essai sur la théologie du Process, Van Dieren Éditeur, 2000) traverse la nature, notre monde et nos vies pour y surmonter les forces de destruction. Certes, Dieu n'est pas étranger à la création et il y a entre le monde et lui non pas une identification possible, mais bien une parenté. En effet si Dieu est en tout, il n'est pas tout pour autant. Il serait alors plus juste de passer du panthéisme (Dieu est en tout) à un panenthéisme (Tout est en Dieu). Tout en effet est fondé en Dieu, enraciné en lui, dont l'énergie créatrice nous anime et nous porte.

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Dieu est dans des lieux sacrés

L’affirmation selon laquelle Dieu habite dans des lieux sacrés peut paraître élémentaire et dépassée aujourd'hui. Pourtant, elle traverse toutes les religions et leur histoire; elle reste encore très présente à l'heure actuelle. Dieu réside dans des temples - temples égyptiens, grecs, romains, temple de Jérusalem, par exemple - ; le psalmiste évoqué au début de cet article regrette l'époque où il pouvait se rendre dans « la maison de Dieu » (Ps 42,5), appellation combien discutable et assez fréquente dans la Bible ! Calvin, au XVIème siècle, voulait que les temples soient fermés en dehors des heures de culte, parce que l'on avait pris j'habitude d'accomplir des dévotions en allant d'une église à l'autre et même, dans les églises, d'une chapelle à l'autre, convaincus que les prières y seraient plus efficaces et mieux exaucées si elles étaient ainsi faites dans des lieux sacrés habités par la présence divine.

Un pasteur me raconta avoir concélébré avec un curé, dans le cadre d'une célébration œcuménique, un mariage religieux dans une église de province. Compte tenu de la configuration des lieux, ce collègue était obligé, au cours de la cérémonie, de passer devant le tabernacle, cette petite armoire fermée à clef contenant le ciboire et les hosties consacrées, réceptacle de la présence réelle de Dieu en Jésus-Christ. Le tabernacle est d'ailleurs souvent signalé par une petite lampe rouge. Le pasteur, avec un souci fraternel et bien légitime pour ne choquer personne, devait-il se recueillir devant ce tabernacle, s'arrêter devant lui, incliner la tête, par exemple ? Ayant posé la question au prêtre, il vit ce dernier éteindre la petite lumière et lui dire : « Monsieur le pasteur, j'ai éteint la présence réelle ! ». Et notre collègue de lui répondre : « Au moins nous restera-t-il celle de la Parole. »

Présence réelle ? 11 faut se rappeler ce qu'elle signifie très précisément. Dans un livre de Philippe Martin consacré à l'histoire de la messe, nous trouvons au cœur de l'ouvrage, très bien choisies, des illustrations significatives, dont l'une représente, au milieu du XXème siècle, des vignettes destinées aux enfants. L’une de ces images montre une petite fille et un petit garçon à genoux devant l'autel et le prêtre leur donnant l'hostie. Il est écrit sur l'image elle-même : « L’Eucharistie contient véritablement réellement et substantiellement le Corps, le Sang, l'Âme et la divinité de Jésus-Christ. » (Le théâtre divin. Une histoire de la messe du XVIème au XXème siècle, CNRS Éditions, 2010).

Le pain et le vin de la cène ne contiennent pas, pour les protestants, la présence divine à travers le corps et le sang de Jésus-Christ. Dieu n'est pas là, même si nous croyons à la présence de Jésus dans notre cœur, dans la vie et dans notre monde. La Bible ne contient pas non plus, par une sorte d'antithèse protestante, la présence de Dieu que nous pourrions identifier à la lettre des Écritures. Avec la prière d'illumination, qui précède la lecture de la Bible en chaire, nous demandons à Dieu de nous éclairer par son Esprit pour nous faire entendre sa Parole à travers des textes évidemment, et parfois très lourdement, humains. Le prédicateur ne devrait pas dire, par conséquent, comme il le fait parfois : « Nous allons lire la Parole de Dieu. »

De même, à l'heure de la communion, on adresse à Dieu une prière (épiclèse) lui demandant son Esprit pour nous permettre de vivre avec ce sacrement autre chose qu'un simple pique-nique liturgique. Dieu n'est pas dans la Bible ni dans le pain et le vin de la cène. Et la table de communion n'est pas là un autel sur lequel serait célébré un sacrifice. Nous ne pouvons enfermer Dieu. C'est là une tentation constante de toutes les religions. Cela dit, je reconnais volontiers que les églises peuvent être des lieux propices au recueillement, à la prière, à la méditation. Elles ne sont pas pour autant des lieux sacrés. Le protestantisme, dans une sorte de tremblement de terre à la fois culturel, social et politique, a procédé à une triple désacralisation : des lieux, des temps et des personnes (sacerdoce universel). Le sacré reflue en fait intégralement en l'Éternel : « Soli Deo gloria !  » (À Dieu seul la gloire !) C'est là la devise unanime des protestants.

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Un Dieu inattendu

Raphaël Picon, - Doyen de la faculté libre de théologie protestante de Paris et rédacteur en chef d'Évangile et liberté -, avec lequel je discutais du sujet du présent article (« Où est Dieu ? ») me déclara que « Dieu n'est nulle part, mais qu'il est potentiellement partout ». Est-ce une autre manière de dire ce que Maurice Zundel (1897-1975) a écrit :« Dieu est toujours là; c'est nous qui sommes absents. » ? (« Le chrétien en mission universelle », Le Caire, 1967, dans Présence de Maurice Zundel, octobre 2010, n° 72).

Ce Dieu « potentiellement partout » est bien celui qu'atteste cette parole de Jésus d'après l'évangile de Matthieu : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le secret.  » (6,6). Ce verset est devenu un texte souvent cité par les protestants pour insister sur l'importance d'une piété très individuelle de l'intériorité et de l'intime. On est bien là dans la conviction d'une présence de ce Dieu « potentiellement partout ». On peut penser à une autre injonction, celle, apparemment absurde et excessive, de Paul s'adressant aux Thessaloniciens et leur disant : « Priez sans cesse !  » (1 Th 5,17). En fait, il s'agit là d'une affirmation essentielle pour signifier que l'on peut prier partout et n'importe quand. Il y a donc là cette remarquable désacralisation des lieux et des temps chère aux protestants et déjà opérée ici par l'Apôtre.

Je pense à un autre texte, celui auquel je consacrai ma première prédication quand j'étais encore étudiant en théologie à l'Université de Lausanne. Il s'agit d'un verset concluant le fameux « Rêve de Jacob » dans lequel Jacob voit une échelle reliant le Ciel et la terre, et sur laquelle montent et descendent des anges. Dieu s'adresse alors à Jacob pour lui faire la promesse de sa présence : « Je suis avec toi. [... Je ne t'abandonnerai pas. » (Gn 28,15). Puis ce rêve est conclu par ces mots : « Jacob s'éveilla de son sommeil et il dit : certainement l'Éternel est ici et je ne le savais pas. » (28,16). J'insistai dans ce sermon sur ce « je ne le savais pas » pour dire combien Dieu est inattendu. Il ne se trouve pas nécessairement là où nous le pensons et voudrions. Nous pouvons l'entendre à travers la parole d'un athée et ne pas l'entendre dans celle d'un théologien chrétien dont le savoir s'affirme pourtant savoir sur Dieu. Après avoir insisté sur le fait que la Parole de Dieu ne peut pas être enfermée dans la prédication d'une Église, qui lui imposerait ses propres limitations, le théologien suisse Karl Barth (1886-1968) écrit ceci : « Dieu peut nous parler par un athée ou un païen, et nous faire comprendre par ce moyen que la frontière entre l'Église et le monde profane passe toujours ailleurs que nous ne l'avions cru. » (Dogmatique, Labor et Fides, 1953, vol. 1, t. 1, fascicule 1).

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Dieu est en nous

La Bible, plus particulièrement à travers le Nouveau Testament, répond à la question « Où est Dieu ? » en affirmant qu'il est en chaque prophète qui fait entendre la Parole de Dieu, qu'il est en Jésus, bien sûr, mais aussi et surtout qu'il est en nous. C'est Paul qui insiste sur cela en déclarant dans ses Épîtres aux Corinthiens : « Vous êtes le temple de Dieu. » (1 Co 3,16) et « Nous sommes le temple de Dieu. » (2 Co 6,16). Ces affirmations sont, à bien des égards, extra-ordinaires, révolutionnaires. Paul avait en effet sous les yeux aussi bien le temple de Jérusalem que celui de Corinthe en Grèce, lieux sacrés représentant pour leurs habitants la présence divine par excellence. L'Apôtre bouscule cette manière d'envisager la présence de Dieu parmi nous en disant que ce temple, c'est nous qui le sommes et, par conséquent, que Dieu réside en nous. La citation de Maurice Bellet que j'ai faite plus haut se poursuit d'ailleurs par ces mots : « C'est cela l'Évangile : l'annonce que Dieu est né en l'homme. »

Une telle déclaration suscite et entraîne, ou le devrait, pour nous deux conséquences décisives.

Premièrement, si Dieu est en nous cette conviction dit notre dignité. « Nous sommes des créatures nulles », me disait un jour une paroissienne en sortant du culte. Non, cela n'est pas vrai, lui ai-je répondu, si nous croyons que nous sommes le temple de Dieu. Nous ne sommes plus réduits au néant de notre condition mortelle et pécheresse. Chaque fois que je prêche, j'ai devant moi une citation du pasteur Charles Wagner, fondateur en 1907 de la paroisse du Foyer de l'Âme à Paris, qui écrivit ceci : « L’homme est une espérance de Dieu. ». Et non pas simplement et uniquement Dieu est une espérance de l'homme. Ces mots immenses que j'ai alors sous les yeux, ce renversement de perspective, me rappellent que ma prédication ne saurait accabler ses auditeurs, mais qu'elle doit les encourager, les porter et les aider à vivre.

Le maître à penser du jeune Marx, plus particulièrement en ce qui concerne les questions religieuses, Ludvig Feuerbach, écrit dans L’essence du christianisme en 1841 que « l'homme affirme en Dieu ce qu'il nie en lui-même ». Nous trouvons là la critique de toute une théologie chrétienne invitant le croyant à s'abaisser devant Dieu, comme si Dieu avait besoin de notre écrasement pour être grand, pour être Dieu en plénitude. Nous pouvons promouvoir un humanisme christique. En Jésus, Dieu en effet revalorise la condition humaine et dit notre dignité. Aux moments difficiles de notre vie, quand nous sommes au bord de l'abîme et tentés par le désespoir, il est important de se rappeler que nous sommes le temple de Dieu, que Dieu nous aide à traverser les tempêtes pour atteindre l'autre rive (Mc 4.35-41) et nous accompagne quand nous marchons dans la vallée de l'ombre de la mort, comme l'affirme le psalmiste (Ps 23,4).

Une deuxième conséquence découlant de la conviction que nous sommes le temple de Dieu, c'est l'affirmation d'une responsabilité exaltante. N'ayons pas de fausse humilité. Penser et croire que Dieu est en nous, c'est découvrir notre force; un dynamisme, des élans, une mise en marche sont possibles et nous ouvrent un chemin. Dieu en effet agit en l'homme, en nous. Tout geste de miséricorde et de justice est un geste divin. « Celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. » (1 Jn 4,16).

Je peux conclure par une citation du prêtre suisse, grand mystique, Maurice Zundel déclarant dans une prédication : « Oublions toute notre négativité, toute notre lourdeur, toute notre fatigue, toute notre usure, toutes nos limites, toutes les limites des autres. Qu'importe tout cela puisque Dieu est en nous [... ] » (« Sommes-nous une façade ? », homélie du 26 février 1956 à Lausanne, dans Présence de Maurice Zundel, juillet 2011, n° 75).

Laurent Gagnebin

Article extrait du numéro 261
du journal « Evangile & Liberté »
Août – Septembre 2012

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Mais, où est Dieu ?